Concours, La Scène

Au concours Chopin : tristesse… de Chopin

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Olof Hansen au deuxième tour du Concours international Chopin de Varsovie (c) Wojciech GrzędzińskiLe XVIIe Concours international Chopin qui a commencé le 3 octobre 2015 à Varsovie a surpris les habitués par le niveau inhabituel d'une partie des candidats.

Au second comme au premier tour, de nombreux pianistes semblaient rechercher la conformité à une « esthétique chopinienne contemporaine », à la fois scrupuleusement respectueuse de la partition (ne prendre aucun risque et plaire au jury), et savamment déconstruite (avoir l'air moderne), aussi loin que possible du Chopin dit « de salon » caractérisé par le rubato (démodé ?). Ce qui amène à se poser des questions sur l'évolution de l'interprétation de Chopin (très loin de ce que Chopin faisait ou aimait, c'est-à-dire l'improvisation), le rôle des concours et sociétés Chopin qui ne cessent d'augmenter, le marketing des pianistes espérant faire une carrière fulgurante, et celui de leurs professeurs…

Au premier tour, les candidats venaient pour moitié d'Asie. C'est une zone du monde où les Master classes sont très bien payées, et où certains membres du jury parmi les plus influents vont probablement donner des cours. Les Polonais aussi étaient très présents, en proportion, 15 sur 80. Nombreux sont les candidats qui n'expriment rien que le désir de plaire au jury. Professionnels déjà des concours, ils alignent dans leurs biographies leurs prix et les noms de leurs professeurs. Ils ont peaufiné une stratégie, et finissent par avoir une interprétation semblable. Ils jouent collés à la partition, et leur virtuosité, leur rapidité, leur agilité, leur capacité à trouver des couleurs sur le clavier tournent à vide et n'expriment rien.

Seuls, quelques rares pianistes inspirés, osaient une interprétation personnelle, et même émouvante, les seules inoubliables. Luigi Carroccia, jouant la première Polonaise fantaisie du concours, tendre et juste. La Marche funèbre si lente et magique dans la Sonate op. 38 admirablement construite par Seong-Jin Cho. La noblesse furieuse et poignante de la Polonaise op. 44 d'Olof Hansen, comme Chopin lui-même aurait pu la jouer, un soir de désespoir. Rien à voir, hélas, avec les impératifs convenus d'un concours… Ivett Gyongyösi a trouvé une sensualité dans l'Andante spianato, et des sons « trashy ». Mayaka Nakagawa aussi nous a émus, par son élégance, et les silences déchirants de la seconde des Polonaises op. 26. Et Alexia Mouza, qui a laissé libre cours à sa passion, avec retenue et dignité dans sa Polonaise op. 53. Eric Lu a trouvé pour sa Mazurka op. 17 n° 4  des couleurs fantastiques qui rappelaient celles de en 2010. Inversement, le jeu glacé de Georgjis Osokins fascine le public à juste titre car il est brillant, mais il n'émeut pas. Et si Krzysztof Książek, le plus musical des Polonais, a donné de fort ravissantes Mazurkas, sa Polonaise op. 44 était une bouillie pompeuse, dont le romantisme mal digéré se retrouve dans presque toutes les Polonaises entendues au 2e tour (est-ce l'interprétation recommandée ?). Michał Szymanowski, restant dans la conformité confortable de l'abstraction, a néanmoins construit pour sa Polonaise op. 44 des espaces sonores mobiles, accords postmodernes qui se fondent et s'enchaînent.

Il n'a pas été récompensé de son audace ! Olof Hansen, Alexia Mouza, Ivett Gyongyösi et Mayaka Nakagawa non plus. Et nous sommes tristes de les perdre.

Le concours est très médiatisé à Varsovie, comme sur le net, et la salle est pleine cette année, beaucoup plus qu'à la précédente édition. C'est un spectacle ! Et on murmure beaucoup, aux entractes, dans les salons de la Philharmonie : Dinara Klinton, est passée au troisième tour, malgré une lourdeur qui frise le vulgaire, mais elle est Ukrainienne (la Pologne soutient l'Ukraine) et elle est allée gagner un prix à Bydgoszcz ! Zi Xu, un Chinois exhibitionniste des sons, a réussi un beau Prélude op. 45. Le reste est décousu, contraint parfois, sautillant à d'autres moments… Mais c'est un élève de la Présidente du jury, Katarzyna Popowa-Zydroń, qui enseigne justement à Bydgoszcz.

Il nous reste quelques personnalités encore… mais le 3e tour risque d'être une épreuve pour le public aussi ! Et certains se demandent, si Chopin se présentait, s'il serait même sélectionné pour concourir ?

À suivre…

Crédit photographique : Olof Hansen au 2e tour du Concours international Chopin de Varsovie 2015 (c) Wojciech Grzedzinski

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3 commentaires sur “Au concours Chopin : tristesse… de Chopin”

  • Il semble donc qu’il n’y ait pas là de très belles surprises, comme « l’irruption » de Lucas Debargue au Concours Tchaïkovski !

  • Christina dit :

    Excusez moi votre critique est tellement réduite vous n êtes dans le cœur de Chopin vous etre tres tres loin et vos opinions manquent de subtilité .. Osokins n est pas brillant au contraire il a fait des énormes fautes techniques et bâclé çertains passages .. Mais par contre tout le contraire de glacial .. Sa nocturne est magnifique délicate poétique .. ‘Mouza au deuxième passage s est envolé vers quelquechose d incompréhensible .. Mouza est une très bonne pianiste tres puissante mais a survolé la pallete de possibilités Chopiniennes ..elle a ramassé un beau râteau ! Ksziazek un poète romantique tres Polonais a été injustement éliminé Pozdrowienie !

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