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Michel Verschaeve : Le Traité de Chant et Mise en Scène baroques. Préface de Gustav Leonhardt. Edition : Zurfluh. 1997. ref : AZ 1415. 270 pages.
Avec la récente Musicologie, nous sommes devenus, en l'espace d'une cinquantaine d'années, boulimiques de redécouvrir des œuvres que les compositions du XIXe siècle avaient réussies à nous faire oublier.
Nos élans nous donnent cependant une attitude parfois trop anachronique. Nous admirons ainsi une belle voix, sans songer à la façon dont nos pères chantaient réellement. Les écoles de chant se sont éloignées du théâtre et des différents rituels obligatoires à respecter pour être dans la bonne époque au détriment des actes de virtuosité, de tenues de notes ou de puissance. Les salles de concerts sont devenues toujours plus grandes, dans le but de rentabiliser la musique, et nous ont fait perdre la dimension humaine des opéras baroques. Il ne s'agit certes pas de demander aujourd'hui aux chanteurs de chanter moins fort mais bien d'appréhender l'Art baroque avec ses abus et excès de l'époque. Pour voyager dans le temps, il suffit d'entendre les rares enregistrements de la grande Sarah Bernard pour avoir une idée de ce que devait être une déclamation dans une salle sans micro.
Au travers de ce traité de Michel Verschaeve, nous apprenons que tout est extrêmement pensé et ce dans les moindres détails — la gestique, la position du corps, le regard — tout commence par le mot. La musique doit coller à celui-ci pour lui donner un maximum d'effet et le chanteur est au service de la musique. A l'heure actuelle et aux antipodes de ce qui s'est fait pour les méthodes de violon, nous ne connaissions pas de méthode de chant ayant traversé le temps pour parvenir jusqu'à nous sans avoir subit de transformations au cours du XIXe siècle et qui sache nous apprendre comment chanter «à la manière» du XVIIe ou du XVIIIe en nous faisant surtout redécouvrir le mode d'emploi des «bonnes manières».
De plus, la diversité des diapasons dans toute l'Europe n'a pas permis non plus d'établir un ordre cohérent des tessitures des voix instrumentales ou humaines. Du Dessus en passant par la Haute Taille et finir par la Basse Contre sans oublier le Baryton, uniquement prisé en Angleterre… Le la de la tonalité de nos téléphones, emblème de l'oreille absolue à 440 Hz, redevient un son quelconque au travers des pages de ce livre. Celui-ci nous apprend, entre autres, qu'au XVIIe siècle ce fameux la battait les vibrations à 392 Hz (ce qui veut dire qu'aujourd'hui il s'agirait d'un sol).
Ce livre est une véritable enquête au sein des riches fonds bibliothécaires, où l'on se plonge avec ravissement dans les correspondances des noms les plus illustres comme Lully, Rameau, Desmarest, Voltaire, etc. pour s'imprégner du vécu sur la manière de chanter, danser, jouer. On apprend qu'un chanteur est Acteur-Chanteur et qu'il est de ce fait rendu responsable de son jeu sans même avoir à subir les «élucubrations» d'un metteur en scène. Il ne s'agit pas de détruire ce qui se fait de nos jours mais bien de recadrer ce que l'on se doit de réaliser lorsqu'on s'investit dans l'Art Baroque. Chanter, ce n'est pas seulement l'expression humaine des notes sur une partition, mais bien une exultation des sentiments. Aussi, ne pas se conformer aux cohérences de l'époque lui retirerait un charme certain.
Cet ouvrage imprimé en édition cartonnée, de lecture agréable comporte une trentaine de planches, dont certaines de partitions avec les annotations originales des accentuations nécessaires à une bonne exécution. La préface de Gustav Leonhardt annonce un recueil pour amateurs avertis et chanteurs cherchant leur chemin vers l'extase musicale baroque. Les chapitres sur la danse, et la mise en scène en font un ouvrage très complet.
Cette véritable bible des termes musicaux d'alors nous en propose tous les ornements. Ainsi, lorsque les instrumentistes n'arrivent pas à se mettre d'accord sur ce qu'est réellement un tremblement ancêtre du vibrato instrumental – on découvre qu'en Italie, il s'agit d'un Trillo et que les Français lui donne le nom de Cadence. Voici un livre à consulter pour commencer à apprendre à chanter et entendre un opéra véritablement baroque à la française.
Michel Verschaeve a mis en scène :
- Vivaldi, Le Couronnement de Darius
- Monteverdi, Le Combat de Tancrède et Clorinde
- Lully, Armide
- Peri, Euridice
- Rameau, Dardanus
- Marivaux, La Fausse Suivante
- Offenbach, Barbe Bleue
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Michel Verschaeve : Le Traité de Chant et Mise en Scène baroques. Préface de Gustav Leonhardt. Edition : Zurfluh. 1997. ref : AZ 1415. 270 pages.
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